Diderot avait déjà quelques idées écologiques, voyant la science
ne tirer « que quelques pièces rompues et séparées de la grande chaîne qui lie
toutes choses. » ("Pensées sur l'interprétation de la nature").
Ce que précise la note 29 du bouquin : « Tout est lié dans la
nature » est un principe fondamental de la philosophie de Diderot comme de
tout le XVIII° depuis Leibnitz.
Mais avaient-ils aussi
conscience que l'Homme, fait partie de la nature, lui est lié, ou pensaient-ils
en surplomb ?
L'idée qui naît là aussi est le
principe divisionniste de la science qui scinde la réalité par l'analyse, qui
dé-compose : la science examine les maillons de la chaîne un à un mais pas la chaîne
dans son ensemble, non seulement en tant que quantité de données (les maillons)
mais en sa qualité de lien, liaison, reliance. Qu'est-ce qui fait qu'une chaîne
est une chaîne ? ce n'est pas une addition de maillons, c'est la liaison
des maillons. (De même que ce qui fait qu'un livre est un livre et non une addition
de pages, c'est la reliure et ce qui fait qu'une porte est une porte : les
gonds.)
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Une réflexion critique écologique, ça fonctionne comme ça : on prend un fait, on tire le fil et y a
tout qui vient. Parce que tout est lié, oui, et c'est bien là le problème ! La complexité.
L'écologie, ça n'est pas (que)
la préservation des espèces en voie de garage ou la "protection de
l'environnement" (mot qui réduit "la nature" à "ce qui
environne l'homme", c'est-à-dire ce qui lui sert à quelque chose, ne
serait-ce qu'à faire joli. L'environnement, c'est ce qui reste quand on a
détruit la nature). L'écologie est la science des liens, liaisons, interactions
entre tout et tout. Complexité qui peut décourager.
Même si on essaye de se limiter
à un point de vue économique. Par ex. on se dit « mes chaussettes sont
trouées, j'en achète d'autres, ça coûte pas cher ». Mais a-t-on calculé ce
que ça coûte vraiment, la paire de
chaussettes fabriquée en Chine ? (ou ailleurs). Ce que ça coûte en énergie
non renouvelable, voyages, transport, pétrole, pollution de l'eau, de l'air, du
climat, catastrophes sociales, tant dans les pays prestataires de main d'œuvre
bon marché que dans nos pays réduits au chômage qui pue, avec toutes les
conséquences humaines, sanitaires, psychologiques… Au bout du compte, les
chaussettes coûtent très cher à la société (sécurité sociale), c'est à dire
nous tous.
Face à la mondialisation, dite
aussi globalisation, il faut réfléchir globalement.
Il faudrait l'instituer un
nouveau mode de calcul du prix des choses (des services aussi) en fonction de
leur impact écologique, en tenant compte de TOUT ce qui entre en jeu dans un
objet : matières premières non renouvelables, énergie non renouvelable,
emballage, destruction de l'emballage, transport, distribution, utilisation,
durée de vie, destruction-recyclage, pollution provoquée à chacun de ces
postes, donc coût sanitaire, etc., etc. Gros boulot, certes, mais ça pourrait
être amusant, et on a des gros ordinateurs, non ? (Par exemple, on peut faire
la comparaison de coût énergétique entre un chauffage central au fuel – chaudière,
électricité, tuyaux, radiateurs, pétrole importé de loin… - et une cheminée
alimentée par du bois mort qu'on ramasse soi-même dans les forêts
environnantes…)
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L'écologisme est un
humanisme.
L'écologie (ou –isme) pose le problème du sujet qui portera les luttes.
Michel Serres se demande qui sera l'avocat des fleuves, des nuages, des forêts…
C'est peut-être mal poser le problème. On ne veut pas "sauver la
planète", comme s'il s'agissait de Saturne ou de Mars. On veut sauver
NOTRE planète, c'est-à-dire la "planète pour nous", et donc
finalement NOUS. Que nous considérions (à tort) que la Terre nous appartient,
ou (plus justement) que nous appartenons à la Terre (c'est-à-dire dépendons d'elle), le résultat est le
même. Les abeilles, a priori, on s'en fout, comme de tout un tas d'autres
plantes et animaux. On ne veut pas "sauver les abeilles"… Mais… si
nous ne pouvions pas nous en passer…? On peut se passer de miel, oui, mais pas
de la pollinisation qu'elles effectuent gratos. Et les vers de terre, donc…
Nous ne pouvons pas nous passer de la Terre, c'est-à-dire "la planète
dans un certain état" (climat, quantité d'eau potable disponible, air
respirable, capacité locale et globale d'absorption et recyclage des déchets…
etc.)
Il ne s'agit pas de "respecter la nature", pas plus que de
l'exploiter comme un capital taillable et corvéable à merci. Il s'agit d'en
faire un usage raisonné et raisonnable, un "échange organique entre la
nature et les hommes". Le but n'a rien de mystique ou de philosophique :
il s'agit de sauver notre peau.
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J'écris l'Homme avec H majuscule pour dire l'espèce, l'humanité. De même, la Planète
mérite bien aussi une majuscule, comme la Terre, le Monde, la Nature, la
Biosphère, parce qu'il ne s'agit pas de simples choses, ni d'êtres individuels,
mais d'entités – et je ne mets aucun mysticisme dans ce terme.
Penser
l'Homme comme indépendant de la Planète est une aberration orgueilleuse.
L'Homme ne passe pas avant la Planète, parce que l'Homme est dépendant de la
planète. Préserver-soigner la Terre, c'est préserver-soigner l'Homme. Il n'y a
pas de concurrence-rivalité Homme contre Planète, ou Homme contre Nature. Il
faut au contraire penser l'Homme-la Planète comme un tout : l'Homme-Planète, ou
la Planète-Homme, ou la Nature-dont-l'Homme… "L'Anthroposphère", si
on veut, mais ça exclut le reste du vivant… "La Biosphère", mais ça
exclut le non-vivant, qui est pourtant indispensable au vivant : le climat, les
éléments, la physique, la chimie… Encore une fois, rien de mystique ou de
new-age, là-dedans : la réalité écologique.
S'il y
a une rivalité, c'est entre l'individu et le couple Homme-Planète. Ce
sont des individus qui veulent un 4x4, voyager en avion, manger
des steaks… pas "l'Homme".
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Si tout cela est un peu
VRAC,
c'est que je consacre l'été à vider un peu mes fichiers, dossiers, tiroirs,
miroir à réflexion, etc.
Et
toujours des dessins issus du Psikopat (les nouvelles d'Olivier Ka) n'ayant
rien à voir avec le thème du post.
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