Je n'ai jamais lu André
Gorz, je crois, sinon quelques articles, sans doute, ou des articles à son
propos.
Dans le Monde Diplo de ce
septembre 2019, je lis un article qui revient sur quelques livres de André Gorz
ou sur lui. Article intitulé "Dans
la boîte à outils d'André Gorz" (et je me dis "Chic, des outils !")
Quelques extraits (je
mélange les termes de l'auteur de l'article, ceux des commentateurs d'André
Gorz qu'il cite et ceux d'André Gorz qu'il cite…)
« Il explique dans Penser l'avenir que la société de
consommation engendre plus de besoins insatisfaits qu'elle n'en comble :
« Nous vivons sous un régime où le but de toute activité est la création
de choses échangeables et monnayables, et ce qui n'est pas monnayable n'a pas
de statut dans l'économie capitaliste… » etc.
Je dis etc., parce que tout à coup je me sens pris d'allergie aux généralités
abstraites, à la théorie et tout le théorisme.
« Société de
consommation… création… choses… échangeables… monnayables…. statut… économie…
capitalisme… Plus loin : Diktat du capitalisme… règne de la marchandise…
protéger le temps libre et l'épanouissement au sein du vivant… équilibrer
biosphère, écosystème et humanité… une pensée « de la liberté, de
l'émancipation du sujet autonome et de la démocratie autogestionnaire »…
Plus loin : écologisme… des fins sociales… marchandisation…
monétarisation… utilitarisme… économisme… créer une société de sobriété
extramarchande… utopie concrète… principes de l'écologie sociale… un nouvel
horizon d'émancipation… l'écologie politique entre expertocratie et
autolimitation…… » etc. encore !
Ce n'est pas que tout cela
soit imbitable, c'est que ce n'est que du langage théorique, des principes, des
concepts. Loin, très loin. Que du langage, même, des mots qui ne renvoient à
rien de concret. Que peut faire de ça celui qui cultive des hectares de soja au
glyphosate ou un potager de banlieue, le trader qui doute, celui qui achète sur
Amazon, le gilet jaune du rond-point qui pleure la poste fermée, l'école
fermée, la maternité à 50 km ? Que peut faire de ça l'urgentiste sursaturé
ou le grand spécialiste et ses dépassements d'honoraires autorisés ? Et
l'homme politique, du ministre au député et jusqu'au maire qui devient un héros
(ou un paria) parce qu'il interdit le Round-up dans sa commune maintenant sans attendre une loi
européenne. (Mettez au féminin tous ces termes autant que vous voulez.)
Je ne peux plus entendre
"consommateur" ou "société de consommation", je ne peux plus
entendre "capitalisme", je ne peux plus entendre "liberté,
utopie, chose, économisme", ni "penseur ou père de l'écologisme
politique"… Tout ça, cette manière de penser, est obsolète et a fait les
preuves de son impuissance à changer le monde. (D'ailleurs je ne peux plus
entendre non plus l'expression "changer le monde".)
•••
Peut-être que nous sommes embarqués dans une hallucination collective.
Plusieurs, même, combinées, enchâssées les unes dans les autres, toutes
définies par des substantifs, des concepts, des idées platoniciennes.
Modernité, capitalisme, humanisme, démocratie, progrès… transhumanisme… tout
ça qui a émergé de la matrice de Platon et de la bible.
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