Des nouvelles de mes nouvelles : ci-dessous la
première page de ma dernière parution, L'Ère
humaine enfin ! dans le collectif Anthropocène
mon amour, publié par Le Chien à deux
queues dans une édition de qualité !
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La
Grande Bistouille, ça a commencé par des jolies chenilles bleu-vert.
La larve de la
fausse teigne de la cire (Galleria
mellonella) s'est révélée, un peu par hasard au cours d'une
étude en labo, apte à assimiler le polyéthylène et le polypropylène. Un cas
de sérendipité. Ça
aurait pu être une excellente nouvelle : le polyéthylène était
l'une des matières plastiques les plus utilisées et les plus persistantes dans
l'environnement : vous savez, les fameux sacs des supermarchés qui finissaient
en continent flottant sur les océans, dans les estomacs des tortues et des
poissons… et finalement dans ceux des humains. D’autres espèces de larves
s'avérèrent dotées du même genre de capacités, comme la pyrale indienne, dite
teigne des fruits secs, une mite alimentaire parmi d'autres, qui elle aussi dégradait
le polyéthylène. Avec ça la larve du coléoptère Ténébrion meunier, dite couramment ver de farine, se régalait du
polystyrène expansé.
Mieux, les études
montrèrent que la biodégradation était en fait l'œuvre des bactéries présentes
dans les appareils digestifs des larves en question. On en
identifia ainsi des douzaines capables de décomposer ces plastiques
qui se trouvaient dans de nombreux objets du quotidien, emballages
plastique, bouteilles de boissons gazeuses… et donc dans autant de
déchets.
Pleins
d'espoir, bien décidés à se dépolluer, les humains élevèrent en laboratoire ces
vers, ces chenilles, ces larves, ou directement leurs bactéries, en quantité
industrielle, et les répandirent sur les îles de plastique de l'océan, sur les
décharges, les centres de tri, dans les poubelles domestiques, etc.
Il ne manqua pas
d'advenir, vous l'aurez deviné, moult dégâts collatéraux : par exemple, les
bactéries gourmandes introduites dans les poubelles ménagères et les containers
se mirent à boulotter les poubelles elles-mêmes et les containers eux-mêmes… Et
dans la foulée, les cuvettes en
plastique roses comme des éléphants ivres et autres seaux de ménage souvent rangés à côté de
la poubelle sous l'évier de la cuisine. Et
puis, comme les micro-organismes dévoreurs ne se gênaient pas pour se répandre
un peu partout et que des plastiques, il y en avait un peu partout, comme n'importe
qui pouvait s'en rendre compte en cinq minutes en faisant le tour de son
appartement, ils s'attaquèrent par exemple aux tuyaux de plomberie en PVC (chlorure de polyvinyle), ou en PER
(polyéthylène réticulé) ou en polybutène (PB). Et puis bien sûr, de fil en
aiguille, aux isolants
électriques, eux aussi en polyéthylène, PVC et autres polychloroprène. Ajoutez les
linos et moquettes, les bouchons en plastique qui avaient remplacé le liège
(que de vin perdu !), les matelas en mousse, les bouteilles d'eau
minérale, les frigos, les lunettes, les prothèses de hanches, les capotes, les
jouets, les chers vinyles, les manches des outils… Tout ça, grignoté, bouffé,
décomposé, dégradé, fondu !
Et si encore ça s'était
limité au cadre domestique du Terrien moyen… Mais le phénomène s'est répandu
partout dans le cadre planétaire de la civilisation industrielle. Toutes les
machines comportant des pièces en plastique, c'est-à-dire TOUTES – de
l'automobile à la centrale nucléaire, du train à l'avion, même les tapis roulants
des centres de recyclage et les nouveaux revêtements routiers en plastiques
recyclés, tout cela se décomposa, se biodégrada à vitesse grand V… Les fuites
d'eau inondèrent les habitations, les courts circuits dus aux fils dénudés
électrocutèrent les imprudents et même les prudents et foutirent le feu un peu
partout ; tous les vêtements en textiles synthétiques, même les polaires
en recyclé, disparurent, pire que la laine en proie aux trous de mites ;
tous les emballages agro-alimentaires aussi, même celui du steak bio et même les
gélules des compléments et médocs ; les chauffages fondirent, comme tous
les appareils ménagers, de la TV de base à l'imprimante et au
téléphone – fixe ou mobile… et bien sûr les ordinateurs.
Résultat
: effondrement de la civilisation industrielle.
… Etc.
La suite dans le collectif "Anthropocène mon
amour", chez Le chien à deux queues.
http://lechienadeuxqueues.fr/