Pâques, c'était le 12. Obligatoirement un dimanche.
Mais un peu lundi aussi, je ne sais pas pourquoi. Le lundi je ne sors pas : les
bois et les champs sont couverts de zœufs , de pulls et de lapsus en chocolat,
ce que mon médecin m'a formellement interdit.
J'adore les lapsus, oui, mais aussi les lapins. À
Pâques, on les fait en chocolat et on les allie aux œufs (comme si les lapins
pondaient ! Les lapines, à la rigueur…) Pondre, c'est l'affaire des
poules – qui parfois courent sans tête, tandis que les lapins copulent et
les lapines tapinent.
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Serrons-nous les coudes
(mais de loin et sans avoir craché dedans). Détoxiquons nous de notre mode de
vie. Oui, mais si je parcours les infos, ou la toile tissée par mes amis et
autres, je m'affole devant cette prolifération de tout, de la déploration face aux manque de prévision de l'État, de
l'étalage de bons sentiments envers les malheureux malades et les héros
soignants, des fake news et complots, des chacun qui y va de sa chanson en
selfidéo… Et de la prolifération d'"offres dulturelles" gratuites.
Déjà qu'avant il y en avait beaucoup, gratuites ou non, légales ou non, et là,
sous prétexte qu'on aurait plein de temps libre et qu'on s'ennuierait, c'est le
déferlement. Et puis certains qui prient. Mais faire de la lèche à dieu n'a jamais sauvé personne.
Ça tourne pire que de regarder les chaînes d'info en
continu. Avalanche, crue, tsunami…
Moins de pollution et dépense d'énergie dues au
transports et à l'industrie, certes. Mais cette marée… cette éruption
informatique. Les data-centers flamboient et nos cerveaux surchauffent.
Toutes ces vidéos cadrées à la verticale comme une
prise de vue à travers une porte entrouverte – vision de voyeurs. Tous ces
"journal de confinement" diffusant ce qui est par définition le rien,
l'absence, le vide. (Sur les sites pornos, je suppose qu'on n'a plus que de la
branlette…)
« Il vaut
mieux pomper, même s'il ne se passe rien, que de risquer qu'il se passe quelque
chose de pire en ne pompant pas. » (Jacques Rouxel, Proverbe Shadock.)
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Dans
les années 2010, la ligne bien ordonnée de notre civilisation a dévié pour
s'enfoncer dans le n'importe quoi (chaos, entropie…). Le Brexit, Trump (dit
"l'agent orange" ou "l'homme à tête de citrouille"),
Bolsonaro et l'Amazonie en feu, une jeune autiste qui nous fait – à juste
titre – la leçon… et au bout, signant la décennie, le Corona et ce printemps suspendu de 2020. Quelque chose entre l'état
d'arrestation et l'état d'exception. Chacun mis en boîte, à la fois mort et
vivant comme un malheureux chat de Schroëndinger.
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Je suis assez vieux pour m'en souvenir. 40 000 morts
en France. 1 million dans le monde… et on en parlait à peine.
https://www.courrierinternational.com/article/pandemie-coronavirus-lantarctique-le-continent-epargne
Le salut serait-il en Antarctique ? Un scénario
SF, me suggère l'ami Labourier. Imaginez : fin de l'espèce humaine partout et
ces 4000 scientifiques chargés de repeupler la Terre.
Ce qui me rappelle une petite proposition de scénario
de fin du monde :
Dans les histoires de fin du monde, romans ou films,
il y a toujours un survivant. Forcé, sinon y aurait pas de film… Ce survivant
est toujours un type qui était enfermé quelque part à l'abri. Un
"survivaliste" dans son abri antiatomique, un spéléologue dans sa
grotte, un comateux dans une salle étanche de l'hosto, etc. À l'abri des
destructions, des radiations ou de l'épidémie. On connaît la suite : il
sort, y a plus personne… ou que des zombies…
Maintenant, imaginez que le cataclysme qui éradique
la population terrestre arrive pendant le conclave du Vatican.
115 survivants.
Des cardinaux.
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— On pourra se vanter
d'avoir vu la fin du monde !
— Oui, mais se vanter à qui ?
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C'était déjà en marche et
ça ne peut que s'accentuer, pandémie aidant :
— Plus de caissières dans
les grandes surfaces. On passe soi-même ses achats au scanner.
— Faut faire tout le boulot
soi-même, quoi, comme à la station-service où y a plus de service. C'est la
liberté ! L'autonomie !… Et les caissières, qu'est-ce qu'elles deviennent ?
— Au chômage, comme tout le
monde, remplacées par une "hôtesse" qui supervise quatre caisses
automatiques. Qui bientôt sera une robote. Et tout ça pourquoi ? Parce que,
pour l'entreprise, une machine, même chère, même produite en Chine, même qui
tombe parfois en rideau, c'est plus facile à gérer qu'une employée humaine qui
peut tomber malade, enceinte ou en grève. C'est tout.
« La
possibilité de notre liquidation forme le principe que nous intégrons à
l'ensemble de nos appareils, sans considération de leur fonction officielle. Ce
que nous visons en fait, c'est constamment de produire quelque chose qui
pourrait se passer de notre présence et de notre secours, qui fonctionnerait
sans nous, et sans se plaindre – ce qui signifie clairement posséder des outils
au moyen desquels nous nous rendons superflus, nous nous éliminons, nous nous
"liquidons". » (D'après Gunther Anders (1902-1992)
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«
De toute façon, le désastre était inévitable. » (Raymond
Chandler "The Long Goodbye")
paru dans Psikopat, nouvelle d'Olivier Ka, Deathbook
Je me souviens travaillant dans des secteurs entretien des usines (du temps où ce n'était pas encore "exteriorisé") avoir vu des chronometreurs devant les postes en train de calculer le nombre de pièces produites. Plus tard, aussi, des "analyseurs" ; des gens qui venaient et demandaient aux ouvriers de montrer tous les gestes qu'ils faisaient pour produire les pièces. C'était déjà des voleurs de métier (dans les 2 sens des termes).
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